Rédigez une ou plusieurs pages de "critique créative" sur un poème que vous aimez !
L’ALBATROS (Charles Baudelaire)
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poëte est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
à : charles@azur.fr
de : theofil@liebe.de
sujet : Merci pour tes poèmes !
Salut mon cher Charles,
Tu vas bien? Je l'espère. Tout d'abord mille mercis pour tes poèmes. Cela fait longtemps que je ne t'en ai pas parlé (J'ai vraiment beaucoup de choses à faire cette année... - c'est dur le français!), mais sincèrement: j'y pense souvent et ils me font beaucoup plaisir! Même si on a une vue différente des choses, on se comprend en fin de compte. Et en fait: C'est la différence qui rend notre relation enrichissante.
Bref, tes poèmes: extraordinaires! Un nouveau monde que je découvre. J'adore me plonger dans leur atmosphère - si je sais que j'en ressurgis après - avec de nouvelles connaissances!
Mais, il y en a un (parmi ceux que j'ai déjà lus) que j'aime moins: "L'Albatros". Pas au niveau esthétique! J'aime bien son rythme d'abord ralenti et traînant, puis enragé et haché et enfin posé de nouveau mais déçu / désespéré / triste. Le vocabulaire me semble noble et grave (Mon mot préféré est "naguère", le plus moche sûrement "brûle-gueule"!), la structure harmonieuse malgré ou plutôt grâce aux ruptures expressives.
C'est son message qui me dérange et comme je sais qu'il s'agit d'un message qui te tient au cœur, il faut que je te dise ce que j'en pense. C'est difficile et en fait, ça touche la vision de la vie la plus profonde. Il est vrai que j'aimerais bien te convaincre mais je n'ai pas l'intention de ne rien forcer: Je t'aime comme tu es.
Tout d’abord : c'est compréhensible ce que tu dis et je peux le sentir, ton malaise, ton mépris, ton orgueil, spécialement quand je pense à ta situation familiale. Excuse-moi, si je fais de la psychologie à deux centimes, mais je ne prétends pas que ce soit juste à tout prix ce que je dis. En même temps je pense vraiment que c'est l'amour maternel que j'ai reçu abondamment qui me permet de voir les choses plus 'optimistes' que toi (base de vie, confiance, rassurance, sentiment d'être aimé sans condition etc.). Mais en fait, au moins sur un niveau rationnel, tu me comprends et peut-être, à un moment donné ou tu trouves que toi aussi, tu es un être qui mérite d'être aimé sans conditions, juste pour ce que tu es, tu peux peut-être l'intérioriser au niveau émotionnel également... .
Alors, comment commencer? Peut-être quand même avec cette strophe que j'ai écris tôt ce matin comme une sorte de réponse à ton poème:
Le prince divin, pour embrasser son archer,
Descend de l'azur, gagne ainsi en profondeur.
Il supplie son frère de lui apprendre à marcher
D'une façon ou d'une autre, l'homme est Créateur.
Excuse d'éventuelles mal expressions, s'il te plaît (je ne suis qu'un jeune aigle, qui essaye d’imiter l’Albatros et qui arrive seulement à faire un coq mal coiffé ... ), mais le principe devrait être 'transporté'.
En fait: Tu le dis toi même dans ta préface:
"- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère."
Attention, syllogisme : "Hypocrite lecteur, mon semblable"; lecteur = toi ; "Le poëte est semblable au prince des nuées"; toi = "prince des nuées" donc: Le lecteur est semblable au "prince des nuées". D'une manière ou d'une autre… Vue de l'autre côté, le poète s'est retrouve au même niveau que le lecteur.
Tu y consens sûrement. Et ce n'était probablement jamais la question. Mais si maintenant chaque homme du monde est un lecteur potentiel, cela ferait par conséquence de "l'archer" et de tous "les hommes d'équipage" tes frères. Et tout d'un coup, je pourrais te dire: Tu te trompes: Ils ne rient pas sur toi, ils rient avec toi! (banal, oui, mais il y a quelque chose de vrai…) C'est toi seul qui se trouve "gauche et veule". Les autres ont des problèmes à marcher eux même: celui dont tu croyais qu'il te mimait - il boitait pour de vrai! Et celui avec le "brûle-gueule" – il voulait partager son haschisch avec toi.
C'est vrai qu'ils veulent s'amuser. "C'est l'ennui! […] ce monstre délicat" qui les tue. Donc, ils t'appellent, te demande de les reconnaître comme des frères pendant leur long voyage seul. Ils te demandent de descendre chez eux pour vivre ensemble à travers les "gouffres amers". En allemand, il y a le proverbe "Wir sitzen alle in einem Boot." – "Nous sommes tous dans la même barque."
Sauf toi. Tu suis indolemment. Tu te ris d'eux. Tu te fuis dans l'azur, tu vols. Tu vis dans les paradis artificiels ou dans l'azur. Et pourquoi? Parce que tu sais très bien voler et tu ne sais pas bien "marcher". Et tu es trop orgueilleux pour vouloir te sentir "comique et laid". Cela te fait honte qu'un simple homme d'équipage se prend le droit de rire de toi. Parce qu'au fond de toi-même tu te sens supérieur par rapport à lui.
Et maintenant on peut dire que tu as raison: Il est vrai que les hommes ne sont pas bienveillants avec toi, qu'ils sont méchants avec toi, qu'ils t'en veulent. Mais ils ont une raison (même s'ils n'ont pas raison): ils sentent ton orgueil, ils sentent que ta modestie n'est qu'une farce que tu abandonne dès que tu te fuis dans l'azur ou tu es supérieur. C'est une modestie forcée parce que tu ne sais pas marcher. Si tu le savais mieux que tous les autres tu pouvais te rire d'eux comme de l'azur. (En même temps …: Cela te permettrais peut-être de devenir authentiquement modeste…)
Ne me comprends pas mal! Arrête-moi si je me trompe… . Mais sérieusement: Je crois pouvoir te dire tout cela parce que je sens au fond de moi-même que je te suis "semblable" . Et je suis aussi conscient que je peux me tromper. Que tout cela n'est plus ou moins pas plus qu'une pure spéculation basée sur relativement peu de chose. Mais je continue quand même, d'abord pour mon plaisir et peut-être qu'il se trouve quand même un petit bout de vérité dans ce que j'explique.
Peut-être que tu avais senti comme je te l'ai reproché autrefois et maintenant tu es d'un autre avis. Peut-être que tu ne t'es jamais senti supérieur et tu ne t'es jamais fuit des hommes ordinaires, tu ne les as jamais méprisés, même pas les plus viles. Dans ce que cas-là, je t'ai mal compris et en plus j'ai confessé pour moi-même qu'il me manque 'souvent' le courage de me 'rabaisser' (au sens de Bakhtine commentant l'œuvre de Rabelais) assez pour pouvoir ressentir de la joie en parlant avec un simple homme d'équipage (notamment par cette peur que tu connais aussi…).
Néanmoins: "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher" ne peut en aucun cas être vrai. Car premièrement, il y en a d'autres qui ne savent pas marcher et qui n'ont pas d'ailes (les hôpitaux psychiatriques en sont pleins) ou des ailes toutes petites (comme par exemple Herr Spinell de Frau Klöterjahn (que tu ne connais peut-être pas mais l’autre face de la double destination)). Et deuxièmement il y en a avec "des ailes de géant" qui savent très bien marcher. Comme je ne suis pas un grand connaisseur de littérature, je ne pourrais te nommer que quelques uns (Rabelais, La Fontaine, Diderot…) mais nous avons un exemple juste devant nos yeux: Notre copain Victor. Tu es d'accord, non?!
Salut Charles!
Je reprends mon email après deux jours de repos (bien remplis de travail). Et je suis très content que je ne pouvais pas finir l'autre jour et que je n'ai pas encore envoyé l'email. Parce que pendant ces deux jours j'ai compris ce que je n'ai pas compris pendant quatre ans auparavant. Ton poème est beau et parfait. Et quant au 'message': Il n'y en a pas. Un poème avec un message n'est pas un poème. Et quant au contenu: Tout est là. Merci beaucoup! Je n'avais pas tout vu. Je me suis arrêté où j'ai cru que tu t'étais arrêté. Seulement en t'écrivant, L'Albatros m'a fait voir mon orgueil et mon hypocrisie à moi (Ne reproche-t-on pas toujours aux autres ce que l'on se cache le plus en soi-même? (Danke, Sigmund !)).
Oui, le poète est orgueilleux. Mais il en a le droit! Non pas parce que c'est justifié mais parce qu'il n'a pas à se justifier. Puisqu'il est un homme (et c'est toi qui le dit). Et l'homme n'est pas parfait (au moins pas selon la notion courante). Il a le droit d'avoir des 'fautes', comme tous les autres "hommes d'équipage". Et si le poète est divin, il est homme aussi. L'homme en soi est divin en fin de compte.
Le paradoxe dans ton œuvre n'en est pas un. Tu en étais conscient? Si tu ne l'étais pas au moment de l'écriture, tu l'es sûrement devenu après.
En plus: Le poète est orgueilleux obligatoirement, au moins celui qui écrit. Pourquoi sinon, croirait-il pouvoir améliorer le blanc parfait avec des mots? Écrire, c'est agir? Peut-être.
Par contre: il y en avait qui ne le faisaient pas. Socrate par exemple. Ou, bien entendu: notre cher Jésus, frère d'Hitler et véritable poète de l'action et de la vie. On l’a mal compris (ou mal traduit peut-être ; ce qui expliquerait pourquoi l'idolâtrie que l'on appelle Christianisme (et qui sert aux loups comme instrument idéal pour s’élever de braves moutons) est surtout populaire chez ceux qui ne comprennent pas l'hébreu...) et il se tournerait dans sa tombe, pourrait-il voir comment l’écriture a pu corrompre sa cause humaniste.
Oui, il se comprenait comme fils de Dieu. Mais pas d'une manière différente que le reste de nous! Il ne les appelait pas frères simplement pour les flatter! Je ne crois pas qu'il nous voyait tous égaux juste sur un certain niveau mais sinon il se sentait divin, lui tout seul, et supérieur (et si oui, c'est lui qui s'est trompé…). Chaque homme est un fils de Dieu, chaque femme est une fille divine.
Nous sommes Dieu. (Comme le reste de l'univers.)
Mais je me laisse aller. Revenons à L'Albatros: ta dernière ligne non plus n'est pas non plus si fausse que je l'ai pensé. Peut-être que elle ne vaut pas pour Victor ou d'autre (ou bien elle ne vaut pour eux que rarement) mais cela peut bien être le cas pour toi et pour d'autre. En tous cas, elles peuvent être dérangeantes si l'on n'a pas appris de les manier sur le sol. D'un autre côté: Peuvent-elles peut-être même aider à marcher d'une manière différente et (donc) belle? On ne va pas le savoir si l'on n'apprend pas à marcher… - en marchant!
Bon, mon cher Charles, je te laisse pour l'instant. Faut que j'aille 'cultiver mon jardin'… .
Sinon, je t'invite 'avec insistance' de venir nous rendre visite. Nous pourrions essayer d'aller surfer " sur les gouffres amers" et éventuellement boire un petit coup le soir dans les rues de Bayonne (pas d'abus! ). Anki aussi serait très contente de te revoir! (Elle est d'ailleurs Sagittaire, cette archer qui m'apprend d'aimer. Et, 'selon les astrologues', cela va très bien ensemble avec Lion…)
J'ai beaucoup hâte de ta réponse! Remontre-moi mon orgueil mais surtout fais-moi simplement le plaisir de me faire comprendre que tu vas bien.
J'espère qu'à très bientôt, ton ami Mika.
Donnerstag, 20. Dezember 2007
MC Diem - analyse sociolinguistique...
L’analyse sociolinguistique des textes de rap de
MC Diem 94
Table des matières_________________________________page 1
Introduction__________________________________ 2
I. Situation ‘extralinguistique’_____________________________ 2
I.1. Histoire et définition du rap_________________________________________ 2
I.2. Le cas représentatif d’une exception____________________________________ 4
II. L’analyse du corpus_______________________________________5
II.1. Des mots d’origine anglaise______________________________________5
II.1.1. Du slang devenu argot________________________________________5
II.1.2. Des anglicismes dans la langue courante____________________________________7
II.1.3. Du vrai anglais______________________________________7
II.2. Quelques pistes_______________________________________8
Conclusion___________________________________9
Bibliographie_______________________________10
Annexe____________________________________i-vi
Introduction
La sociolinguistique a comme objectif d’expliquer les variations entre les productions de communication. Comme on s’intéresse à tout ce qui peut contribuer à éclairer ce sujet, on s’est beaucoup investi ces dernières années sur le phénomène du "Hip Hop". Ce dernier est fondamentalement influencé par le langage urbain et a lui-même une grande influence sur le langage et sur la culture.
D’origine américaine, le Hip Hop s’est installé en France dès les années 90 du siècle dernier et sert aujourd’hui de mode d’expression aux couches opprimées en marge de la société. La sociolinguistique s’intéresse notamment au "rap", le côté parole du mouvement Hip Hop. On peut y trouver plusieurs fonctions du langage, comme par exemple celle de transmettre un message mais aussi celle de se reconnaître entre locuteurs d’un même langage. Issu d’une partie minoritaire de la société, le rap confronte l’artiste à la difficulté particulièrement grande de gérer la tension entre ces deux fonctions. En même temps, c’est justement la solution du conflit entre "parler la langue des siens" et "être compris par les autres" qui rend le travail artistique intéressant.
J’ai choisi un corpus de chansons du rappeur MC Diem 94 comme sujet d’étude car il offre une bonne occasion d’analyser les différents moyens dont l’artiste peut se servir pour arriver à s’exprimer. L’artiste même se retrouve dans une situation qui, d’une façon, le met à part des autres rappeurs, mais d’une autre façon, fait de lui un cas très représentatif d’un locuteur utilisant un langage authentique, bien que travaillé.
Après avoir décrit la situation du rap en général[1] et de MC Diem en particulier, je tenterai une analyse lexicale des mots d’origine anglaise car ils représentent des traces du pays natal du rap et donc des éléments basiques du langage. Mais comme ce n’est pas la seule possibilité d’une exploitation potentiellement riche du corpus, je proposerai, pour finir, quelques pistes d’élargissement du sujet.
I. Situation ‘extralinguistique’
I.1. Histoire et définition du rap
Le rap n’est qu’un facteur parmi d’autres du mouvement Hip Hop. Par ailleurs, cette manifestation d’une sous-culture de jeunes défavorisés, consiste en des expressions corporelles (danse), comportementales (gestes quotidiens, habillement), picturales (graffitis et tags) et musicales (beat et textes). Les deux mots "Hip Hop" sont issus du slang américain et signifient à la base « se défier par la parole, le geste et la peinture » (Bocquet : p. 71). Ainsi ils expriment bien comment ce mouvement a pu se développer comme possibilité primordiale d’échapper à la violence pour arriver à une création artistique : Les individus opprimés d’une partie de la société devaient trouver une manière de régler leurs conflits entre eux, une manière de mieux se comprendre. En même temps ils créaient une possibilité de véhiculer leurs messages d’angoisse, d’attente et d’espoir au reste du monde pour ainsi s’y manifester et faire reconnaître leur identité.
Si le Hip Hop est un courant assez jeune, ses origines apparaissent dès les années 50 dans la musique jamaïcaine ainsi que dans le soul américain. Le "Jive Talk" était une manière de chanter les paroles avec un rythme saccadé et il était inauguré notamment par les Last Poets. Avec l’évolution des technologies apparaissent ensuite des sortes de discothèques mobiles qui permettent de travailler la musique de plusieurs façons. Le musicien maniant ce "sound system" s’appelle D.J. (disc jockey). Un improvisateur, le M.C. (master of ceremony), parle ou chante ("talk over") sur cette musique, c’est cela que l’on appelle "dubbing", l’ancêtre du rap.
Dans les années 70, les jeunes afro-américains du Bronx et de Brooklyn, New York, s’approprient ce mode d’expression et lui donnent son nom significatif : Au sens premier le verbe "to rap" signifie « frapper à coups rapides et secs » et signale ainsi la valeur substitutive du sens métaphorique de nos jours ; contrairement à une expression violente de l’angoisse : le slang américain donnera à "to rap" le sens « bavarder sur un support musical rythmique » (Diakhaté). C’est en 1979 que sort le premier album rap "Rappers Delight" du groupe Sugarhill Gang aux Etats-Unis. Environs dix ans plus tard, le Hip Hop commence à s’établir en Europe et offre ainsi aux jeunes défavorisés des banlieues de la France les mêmes possibilités d’expression et de création qu’à leurs prédécesseurs à New York.
Comme pour tous les autres composants du Hip Hop, pour le rap aussi, on peut constater différentes tendances évoluant après un certain lapse de temps. Tout d’abord, il y a le rap hardcore, mouvement qui se veut authentique et se situe plutôt dans l’underground. Ses membres s’investissent pour une cause sociale et se voient comme le porte parole des couches sociales opprimées. Le rappeur Césaire du groupe sénégalais Daara J voit leur mission ainsi : « être la bouche de ceux qui n’ont point de bouche ». Il y exprime aussi une certaine critique, car lui-même se situe entre le rap hardcore et le rap soft, le rap cool.
Ce rap cool est plus accessible au niveau du langage puisqu’il utilise beaucoup moins d’argot, et quand il l’utilise, il est généralement assez vulgarisé pour être compris par la plupart de la population. Le contenu des textes est plus divers, parfois même très lyrique (Dramé). Étant donné que le public potentiel du rap cool est naturellement plus large que celui du rap hardcore, les groupes cool ont souvent plus de succès commercial. Néanmoins, spécialement aux Etats-Unis, le courant du gangsta rap est très populaire, tout en utilisant énormément de slang.
I.2. Le cas représentatif d’une exception
Le répertoire des chansons françaises[2] de MC Diem est très large et propose plusieurs grades entre les deux extrêmes de la dichotomie représentée par Dramé. Parmi celles contenues dans le corpus choisi, on remarque qu’il y en a avec une concentration de slang et d’argot relativement importante alors que d’autre n’en contiennent pas du tout. Il est intéressant de voir que l’américain est surtout présent dans des textes qui contiennent également beaucoup d’argot tandis que l’allemand se retrouve dans des textes qui contiennent d’autre part un vocabulaire plutôt élevé.
Une création si diverse s’explique par le personnage même de l’artiste. Après avoir vécu les cinq premières années de sa vie en Val-de-Marne (94), Mehdi Langevin déménage avec sa famille à Angers mais garde un lien spirituel avec son lieu de naissance. Malgré des difficultés sociales et familiales, il obtient une maîtrise de Langues et Civilisations Étrangères alors qu’il est obligé d’abandonner le projet d’un DEA à cause de problèmes financiers. Aujourd’hui il enseigne l’allemand au CES dans le département du Maine-et-Loire (49).
MC Diem[3] est alors familier avec des milieux sociaux très différents. Comme il était victime de discrimination et de racisme à plusieurs occasions, il n’est pas surprenant que l’idéal de la tolérance se retrouve dans le fond et la forme de son discours. Contrairement à ce que laisse supposer son prénom, sa famille est d’origine française. Et s’il est, lui-même, attiré par la culture musulmane, son statut de ‘blanc’ l’a souvent exclu dans le milieu des banlieues, le milieu du Hip Hop français[4]. La fonction primaire du rap retrouve donc ici sa plus grande importance : Se manifester, se faire entendre, se forger une identité reconnue par la société dans laquelle on vit.
II. L’analyse du corpus
II.1. Des mots d’origine anglaise
Les termes empruntés d’origine anglaise sont très nombreux dans les textes choisis. On les retrouve surtout dans les deux chansons "Nouvelle Aube Hip-Hopeste" et "C’est pas facile". Ici, ils font partie d’un langage destiné à un public plutôt proche des racines du Hip Hop, originaire des Etats-Unis. Ce sont donc deux chansons du côté rap hardcore du répertoire de MC Diem. On peut constater que des termes anglais sont utilisés très près l’un de l’autre, et dans les mêmes contextes, que des termes argotiques. On y voit alors une tendance à restreindre le cercle du public par la fonction cryptique d’un lexique connu seulement par un nombre limité d’initiés (Guiraud).
II.1.1. Du slang devenu argot
critique social
Dans les textes choisis, on retrouve nettement le caractère dénonciateur qui est à la base du rap hardcore, du rap social puisque l’artiste vise à attaquer le commerce en général (« Pouvoir y mirer des sommes de money money - Pouvoir tirer des femmes de chez honey honey » l. 239-240 ; « Je me bats contre l’arnaque de la money » l. 272 ; « Gommés de cette réalité de la money » l. 276 ), la musique commerciale (« Made in Star-Ac-Pop star », l. 164 ; « star » l. 222) et le rap commercial en particulier (« Look un peu les clips, y’a d’la Bimbo en slip », l. 172 ; « Il leur faut des einss’, des grosses caisses de "Boss Boff" l. 178 ; « rap bizness sans cause» l. 179 ; « gangsta rap de char-clo », l. 185, 189 et « Cash’ j’tatche sans coach » l. 191)[5].
Cette intention est renforcée par une méthode très souvent utilisée dans le Hip Hop : l’attaque verbale contre un autre rappeur qui a généralement beaucoup de succès commercial et se veut lui-même authentique (« Leur textes ne vaut même pas une pièce de 50 cents - Mais dans les chats, on aime les chars de 50 Cent[6] », l. 180-181). De même, l’attaque verbale se sert des termes de violence au sens allégorique : « Et POF c’est le Clash, bouge, j’t’ai brisé en un flash » l. 193, « C’est le KO » l. 225. Cela est également un moyen populaire du rap qui nous rappelle les origines étymologique et idéologique du Hip Hop : « se défier par la parole […] » pour échapper à la violence concrète.
Cependant, il faut remarquer que cette violence concrète même, est explicitement dénoncée dans les textes analysés - également avec des termes anglais : « Trop killent, dealent, jouent aux cow-boys » l. 210 ou « pas killer » l. 218. De même, l’artiste y dénonce le crime et la drogue : « dealent », « cocaïne shit » l. 293 ; « shooté à l’héroïne » l. 294). Cela est rarement le cas chez les chanteurs du gangsta rap et chez eux ce n’est pas non plus évident que les menaces d’homicide aient un sens allégorique : il arrive régulièrement que ces menaces se concrétisent, surtout aux Etats-Unis. Particulièrement la chanson "C’est pas facile" vise cette attitude qui dépasse parfois les limites du défi verbal.
termes techniques
On peut remarquer que l’origine du signifiant des mots implique la même origine de son signifié, donc les Etats-Unis. Si cela n’est parfois peut-être qu’un cliché qui s’est imposé par la présence dominante des médias américains en général (p. ex. « money » étant utilisé plutôt pour ses qualités connotatives, ne signifie rien qui n’existait pas avant que ce mot fût introduit dans le discours de rap), c’est souvent véritablement le cas pour les termes techniques de la musique : « MC [master of ceremony] » l. 1 etc. ; « Lp » l. 22 ; « envenime tous ses Tracks[7] - De pur Hip-hop » l. 141-142 et « swinguer » l. 155. Il est vrai que le mot « MIC[8] » l. 139 pourrait être remplacé par le mot français micro. Mais tout comme le mot « Tracks » signifie plus spécifiquement des pièces de rap que le mot chansons ne le fait, c’est un cas semblable pour le mot « MIC » : sa connotation fait penser plus au microphone du groupe Run DMC qu’à celui de George Brassens.
Les derniers exemples des termes reliés au genre musical du rap sont : « j’tatche sans coach » l. 191 et « et tel un orateur, j’coatche [sic] » l. 219. Le nom commun "coach" et le verbe "to coach", signifiant à l’origine "entraîneur" et "entraîner", ont pris - en slang américain - les significations producteur /réalisateur/ manageur (et respectivement pour le verbe). Le fait que l’artiste répète en slang qu’il travaille indépendamment d’un représentant du commerce musical exprime sa conviction idéologique mais aussi sa demande de respect pour son œuvre complète. Ainsi, on retrouve une des fonctions premières du Hip Hop, du rap et du langage en général: la manifestation de l’individu dans son univers, la création de son identité et sa reconnaissance.
II.1.2. Des anglicismes dans la langue courante
Si la plupart des mots d’origine anglaise /américaine utilisés dans les textes de MC Diem se sont introduits directement par le phénomène du Hip Hop même dans le discours, il y en a aussi qui ont une signification dans la langue française en dehors du rap. Les mots « stress » l. 28, « Ok » l. 226, 227 mais aussi les deux mots déjà mentionnés « slip » l. 172 et « KO » l. 225 sont connus également des Français non-initiés au slang américain. Néanmoins, il n’est pas étonnant de les retrouver ici, vu que l’utilisation des mots anglais fait en général allusion à une volonté progressiste et /ou anarchique. De plus, même vulgarisés, ils font toujours partie du slang américain et de l’argot français. Le mot « slip » est d’ailleurs sûrement aussi choisi pour sa fonction poétique[9] puisque il rime avec « clip », y reconnaissant un jeune frangin de chez soi.
Par ailleurs, on peut constater que non seulement les anglicismes anciens mais aussi les anglicismes modernes sont sans exception utilisés selon les conventions de la morphosyntaxe française : « killent, dealent » et « shooté » sont conjugés comme d’autres verbes français ; de même le suffixe –s du pluriel de « tracks », « clips » ou slips n’est pas prononcé comme il le serait en anglais[10]. Selon Yaguello, 1991, il s’agit ici d’« un signe de bonne santé » de la langue française puisque les mots empruntés ont été tout à fait intégrés dans le système grammatical du français.
II.1.3. Du vrai anglais
Enfin, la dernière occurrence d’un mot anglais est la suivante : « Tous les jours, jeden Tag, everyday[11] » l. 271. À la même ligne, l’artiste parle de la même chose en trois langues différentes. Ainsi, encore une autre de ses intentions devient évidente. Si d’un côté, l’emploi de langues étrangères exclut certains individus de comprendre le fond du texte, il le rend plus accessible de l’autre côté. Tandis que le slang américain, utilisé avec une fonction cryptique, s’adresse à un public assez limité, l’anglais en général parle à un grand nombre de jeunes. La lingua franca de notre époque peut être vue comme langue véhiculaire d’une génération grandissant avec la mondialisation. Pour ne pas se détourner de ce phénomène parfois perçu comme très négatif mais pour, au contraire, y apporter une influence aussi positive que possible, le rap cool en général, et MC Diem en particulier, se présentent d’une manière multilingue : « J’représente un message précis pour la paix - Ma donne : célébrer le métissage dans sa beauté » l. 40-41.
II.2. Quelques pistes
Ce travail est loin d’être exhaustif, au contraire, il s’agit plutôt d’un premier pas servant d’initiation plutôt que d’un véritable éclairage. Pour pouvoir analyser plus profondément la valeur représentative des textes de rap (en particulier de ceux présentés dans ce travail) concernant la situation diastratique de tout un langage, je propose d’élargir l’étude à d’autres niveaux:
- l’analyse contrastive de l’utilisation de mots d’origine étrangère, notamment d’origine allemande (p. ex. «MC Diem ist da, pour une nouvelle ère, kommt an » l. 42 ou « contre le Diktat de leurs lois » l. 60) ; ceux-ci utilisés plutôt dans des contextes voisins avec un vocabulaire français soutenu ( p. ex. « unanime » l. 54, « apogée » l. 231 ou le cas particulier du mot latin « rapido » l. 53 à l’ablatif)
- la lexique de l’argot 'classique' et /ou vulgarisé (p. ex. « fric » l. 248)
- les procédés de création d’argot (d’après le classement proposé par Guiraud ou celui de Dramé : l’épellation, pas présente dans les textes analysés ; la siglaison, p. ex. « KO [→ knock out]» l. 225 ; l’abréviation, p. ex. « gars » l. 55 ; la troncation, p. ex. « ‘sic » l. 163, 191 ; la suffixation, p. ex. « hip-hopeste » l. 136 etc. ; la verlanisation, p. ex. « kolal » l. 297 ; les onomatopées p. ex. « POF » l. 193)
- la morphosyntaxe et la syntaxe qui se rapprochent du langage parlé (manque du pronom impersonnel il dans l’expression il faut ; manque systématique de l’élément discordentiel ne de la négation ; l’élision non-standard des voyelles des pronoms clitiques devant une consonne, p. ex. « J’sais pas si j’t l’ai conté » l. 183 ; des anacoluthes, p. ex. « j’suis pas ceux qui poussent au crime » l. 256)
- la dénomination du rappeur dans ses paroles (1ère ou 3ième personne ; noms propres, p. ex. « Mehdi » l. 6, 47, 139 etc., « MC Diem » l. 1, 4, 6, 8 etc. ; périphrases métaphoriques « manitou de la rime » l. 139)
- les références littéraires, historiques, culturelles ou religieuses (p. ex. « A Montesquieu et Rousseau » l. 65, « jusqu’au bout de la nuit » l. 146, « Tant de guerres mondiales » l. 72, « sang de Gandhi » l. 148, « kacher » l. 191 ou « Dieu » l. 66)
- le mélange et le contraste des registres dans les chansons diverses, correspondant au support musical respectif
- la transcription et l’analyse phonétique /phonologique du corpus oral
-etc.
Conclusion
Comme toute autre forme de langage le rap cherche à résoudre le conflit entre l’ouverture au monde et la définition de soi-même par sa manière de s’exprimer. Cependant, il s’agit d’un langage très travaillé même s’il utilise un vocabulaire populaire et se veut compris par le peuple.
Les termes d’origine anglaise utilisés dans le corpus analysé servent aux deux fonctions suivantes : D’un côté, le slang américain, intégré dans l’argot, permet aux locuteurs de se reconnaître entre eux. De l’autre côté, ce slang est parfois assez vulgarisé pour être compris par un public plus large. Un bon mélange de vocabulaire connu et de vocabulaire avec une fonction ‘demi-cryptique’ invite l’auditeur à faire l’effort du décryptage.
En outre, la délivrance d’un message en plusieurs langues, surtout en anglais qui sert à notre époque de lingua franca, permet sa compréhension par beaucoup plus de gens puisque d’autres communautés linguistiques et culturelles deviennent également destinataires. Étant donné que le phénomène de la mondialisation est en pleine expansion, il est important de communiquer le message d’ouverture d’une manière ouverte. Car si l’on est des cultures différentes avec des langues différentes, on n’est qu’une seule race avec qu’une seule cause. C’est avec des mots qu’il agit, l’artiste - quand « j'lève mon glaive pour la Cause Humaniste ».
[1] Cette partie théorique du dossier est surtout basée sur un mémoire de Mamadou Dramé.
[2] Sinon, on y retrouve aussi des chansons anglaises, allemandes et multilingues.
[3] L’anagramme ‘phonétique’ de son prénom [medi]
[4] Le filme 8 Mile montre un cas semblable d’un tel racisme ‘renversé’ aux Etats-Unis.
[5] L’orthographe de « bizness », « gangsta » se rapproche à la phonétique du slang américain.
[6] Nom d’un rappeur américain du mouvement du gangsta rap.
[7] dictionnary.reference.com : ¤14 c. an individual song or segment of a recording : a title track
[8] dictionnary.reference.com : [mahyk] -noun, informal: a microphone
[9] « La fonction poétique projette le principe d’équivalence de l’axe de sélection sur l’axe de combinaison. » Roman Jakobson
[10] Voir le chapitre sur la transcription phonétique et la phonologie.
[11] L’orthographe d’« everyday » est probablement incorrecte car cela serait l’adjectif qui se traduit par journalier, quotidien. Je suppose que l’artiste parle d’ "every day".
Bibliographie:
Auzanneau, Michèle & Alii (1999). Paroles et musiques du rap, Deuxièmes rencontres de Rapologie. Libreville : ENS.
Billez, Jacqueline (1999). « Poésie musicale urbaine, langues et identité enlacées » dans : M. Marquilo (ed.). Ecritures et textes d'aujourd'hui; cahier du français contemporain n°4. Paris : ENS.
Blanche-Benveniste, Claire (1997). Approches de la langue parlée en français. Paris : Ophrys.
Bocquet, José-Louis & Pierre Adolphe Philippe (1997). Les petits libres n°14 Rapologie. Paris : Minuit.
Boucher Manuel (1998). Rap expression des lascars; Significations et enjeux du rap dans la société française. Paris : L'Harmattan.
Brunet, François (2000). Dictionnaire bilingue de l'argot d'aujourd'hui. Paris : Pocket.
Cadiot, Pierre (1991). « Les mélanges de langues » dans : France, pays multilingue tome II : Pratique des langues en France. Paris : L'Harmattan.
Caradec, François (2005). Dictionnaire du français argotique & populaire. Paris : Larousse.
Colin, Jean Paul (1999). Dictionnaire de l'argot français et de ses origines. Paris : Larousse.
Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1998). Thématique et stylistique du rap: classe de troisième. Mémoire de spécialité. Dakar : E.N.S.
Dramé, Mamadou (2000). Analyse sociolinguistique de l’argot contenu dans les textes de rap : l’exemple de Daara J. Mémoire de D.E.A., Lettres modernes. Dakar : Université de Cheikh Anta Diop.
Gadet, Françoise (1992). Le français populaire. Paris : « Que-sais-je », PUF.
Guiraud, Pierre (1980). L'Argot. Paris : « Que-sais-je », PUF .
Lapassade, Georges & Rousselot Philippe (1996). Le rap ou la fureur de dire. Paris : Loris Talmart.
Melliani, Fabienne (1998). « Le métissage langagier comme lieu d'affirmation identitaire : le cas des jeunes issus de l'émigration maghrébine en banlieue rouennaise » dans : Les parlers urbains. UPRESA, 60 65, Université de Rouen.
Merle Pierre (1996). Le Dico de l'argot fin de siècle. Coll. Les dicos de Virgule. Paris : Seuil.
Picoche, Jacqueline et Jean-Claude Rolland (2002). Dictionnaire du français usuel. Bruxelles : De Boeck : Duculot.
Robert, Paul (2006). Le nouveau Petit Robert. Paris : Le Robert.
Voirol, Michel (1993). Barbarismes et compagnie. Paris : CFPJ.
Yaguello, Marina (1991). En écoutant parler la Langue. Paris : Seuil.
Yaguello, Marina (2003). Parler de la langue. Paris : Seuil.
Hanson, Curtis (2003). 8 Mile. Los Angeles : Universal. [filme]
http://dictionary.reference.com/ [03-05-2007]
http://www.languefrancaise.net/glossaire/ [03-05-2007]
http://www.lexilogos.com/francais_langue_dictionnaires.htm [03-05-2007]
http://memoireonline.free.fr/03/07/379/etude-linguistique-sociolinguistique-textes-rap-senegal.html [03-05-2007]
MC Diem 94
Table des matières_________________________________page 1
Introduction__________________________________ 2
I. Situation ‘extralinguistique’_____________________________ 2
I.1. Histoire et définition du rap_________________________________________ 2
I.2. Le cas représentatif d’une exception____________________________________ 4
II. L’analyse du corpus_______________________________________5
II.1. Des mots d’origine anglaise______________________________________5
II.1.1. Du slang devenu argot________________________________________5
II.1.2. Des anglicismes dans la langue courante____________________________________7
II.1.3. Du vrai anglais______________________________________7
II.2. Quelques pistes_______________________________________8
Conclusion___________________________________9
Bibliographie_______________________________10
Annexe____________________________________i-vi
Introduction
La sociolinguistique a comme objectif d’expliquer les variations entre les productions de communication. Comme on s’intéresse à tout ce qui peut contribuer à éclairer ce sujet, on s’est beaucoup investi ces dernières années sur le phénomène du "Hip Hop". Ce dernier est fondamentalement influencé par le langage urbain et a lui-même une grande influence sur le langage et sur la culture.
D’origine américaine, le Hip Hop s’est installé en France dès les années 90 du siècle dernier et sert aujourd’hui de mode d’expression aux couches opprimées en marge de la société. La sociolinguistique s’intéresse notamment au "rap", le côté parole du mouvement Hip Hop. On peut y trouver plusieurs fonctions du langage, comme par exemple celle de transmettre un message mais aussi celle de se reconnaître entre locuteurs d’un même langage. Issu d’une partie minoritaire de la société, le rap confronte l’artiste à la difficulté particulièrement grande de gérer la tension entre ces deux fonctions. En même temps, c’est justement la solution du conflit entre "parler la langue des siens" et "être compris par les autres" qui rend le travail artistique intéressant.
J’ai choisi un corpus de chansons du rappeur MC Diem 94 comme sujet d’étude car il offre une bonne occasion d’analyser les différents moyens dont l’artiste peut se servir pour arriver à s’exprimer. L’artiste même se retrouve dans une situation qui, d’une façon, le met à part des autres rappeurs, mais d’une autre façon, fait de lui un cas très représentatif d’un locuteur utilisant un langage authentique, bien que travaillé.
Après avoir décrit la situation du rap en général[1] et de MC Diem en particulier, je tenterai une analyse lexicale des mots d’origine anglaise car ils représentent des traces du pays natal du rap et donc des éléments basiques du langage. Mais comme ce n’est pas la seule possibilité d’une exploitation potentiellement riche du corpus, je proposerai, pour finir, quelques pistes d’élargissement du sujet.
I. Situation ‘extralinguistique’
I.1. Histoire et définition du rap
Le rap n’est qu’un facteur parmi d’autres du mouvement Hip Hop. Par ailleurs, cette manifestation d’une sous-culture de jeunes défavorisés, consiste en des expressions corporelles (danse), comportementales (gestes quotidiens, habillement), picturales (graffitis et tags) et musicales (beat et textes). Les deux mots "Hip Hop" sont issus du slang américain et signifient à la base « se défier par la parole, le geste et la peinture » (Bocquet : p. 71). Ainsi ils expriment bien comment ce mouvement a pu se développer comme possibilité primordiale d’échapper à la violence pour arriver à une création artistique : Les individus opprimés d’une partie de la société devaient trouver une manière de régler leurs conflits entre eux, une manière de mieux se comprendre. En même temps ils créaient une possibilité de véhiculer leurs messages d’angoisse, d’attente et d’espoir au reste du monde pour ainsi s’y manifester et faire reconnaître leur identité.
Si le Hip Hop est un courant assez jeune, ses origines apparaissent dès les années 50 dans la musique jamaïcaine ainsi que dans le soul américain. Le "Jive Talk" était une manière de chanter les paroles avec un rythme saccadé et il était inauguré notamment par les Last Poets. Avec l’évolution des technologies apparaissent ensuite des sortes de discothèques mobiles qui permettent de travailler la musique de plusieurs façons. Le musicien maniant ce "sound system" s’appelle D.J. (disc jockey). Un improvisateur, le M.C. (master of ceremony), parle ou chante ("talk over") sur cette musique, c’est cela que l’on appelle "dubbing", l’ancêtre du rap.
Dans les années 70, les jeunes afro-américains du Bronx et de Brooklyn, New York, s’approprient ce mode d’expression et lui donnent son nom significatif : Au sens premier le verbe "to rap" signifie « frapper à coups rapides et secs » et signale ainsi la valeur substitutive du sens métaphorique de nos jours ; contrairement à une expression violente de l’angoisse : le slang américain donnera à "to rap" le sens « bavarder sur un support musical rythmique » (Diakhaté). C’est en 1979 que sort le premier album rap "Rappers Delight" du groupe Sugarhill Gang aux Etats-Unis. Environs dix ans plus tard, le Hip Hop commence à s’établir en Europe et offre ainsi aux jeunes défavorisés des banlieues de la France les mêmes possibilités d’expression et de création qu’à leurs prédécesseurs à New York.
Comme pour tous les autres composants du Hip Hop, pour le rap aussi, on peut constater différentes tendances évoluant après un certain lapse de temps. Tout d’abord, il y a le rap hardcore, mouvement qui se veut authentique et se situe plutôt dans l’underground. Ses membres s’investissent pour une cause sociale et se voient comme le porte parole des couches sociales opprimées. Le rappeur Césaire du groupe sénégalais Daara J voit leur mission ainsi : « être la bouche de ceux qui n’ont point de bouche ». Il y exprime aussi une certaine critique, car lui-même se situe entre le rap hardcore et le rap soft, le rap cool.
Ce rap cool est plus accessible au niveau du langage puisqu’il utilise beaucoup moins d’argot, et quand il l’utilise, il est généralement assez vulgarisé pour être compris par la plupart de la population. Le contenu des textes est plus divers, parfois même très lyrique (Dramé). Étant donné que le public potentiel du rap cool est naturellement plus large que celui du rap hardcore, les groupes cool ont souvent plus de succès commercial. Néanmoins, spécialement aux Etats-Unis, le courant du gangsta rap est très populaire, tout en utilisant énormément de slang.
I.2. Le cas représentatif d’une exception
Le répertoire des chansons françaises[2] de MC Diem est très large et propose plusieurs grades entre les deux extrêmes de la dichotomie représentée par Dramé. Parmi celles contenues dans le corpus choisi, on remarque qu’il y en a avec une concentration de slang et d’argot relativement importante alors que d’autre n’en contiennent pas du tout. Il est intéressant de voir que l’américain est surtout présent dans des textes qui contiennent également beaucoup d’argot tandis que l’allemand se retrouve dans des textes qui contiennent d’autre part un vocabulaire plutôt élevé.
Une création si diverse s’explique par le personnage même de l’artiste. Après avoir vécu les cinq premières années de sa vie en Val-de-Marne (94), Mehdi Langevin déménage avec sa famille à Angers mais garde un lien spirituel avec son lieu de naissance. Malgré des difficultés sociales et familiales, il obtient une maîtrise de Langues et Civilisations Étrangères alors qu’il est obligé d’abandonner le projet d’un DEA à cause de problèmes financiers. Aujourd’hui il enseigne l’allemand au CES dans le département du Maine-et-Loire (49).
MC Diem[3] est alors familier avec des milieux sociaux très différents. Comme il était victime de discrimination et de racisme à plusieurs occasions, il n’est pas surprenant que l’idéal de la tolérance se retrouve dans le fond et la forme de son discours. Contrairement à ce que laisse supposer son prénom, sa famille est d’origine française. Et s’il est, lui-même, attiré par la culture musulmane, son statut de ‘blanc’ l’a souvent exclu dans le milieu des banlieues, le milieu du Hip Hop français[4]. La fonction primaire du rap retrouve donc ici sa plus grande importance : Se manifester, se faire entendre, se forger une identité reconnue par la société dans laquelle on vit.
II. L’analyse du corpus
II.1. Des mots d’origine anglaise
Les termes empruntés d’origine anglaise sont très nombreux dans les textes choisis. On les retrouve surtout dans les deux chansons "Nouvelle Aube Hip-Hopeste" et "C’est pas facile". Ici, ils font partie d’un langage destiné à un public plutôt proche des racines du Hip Hop, originaire des Etats-Unis. Ce sont donc deux chansons du côté rap hardcore du répertoire de MC Diem. On peut constater que des termes anglais sont utilisés très près l’un de l’autre, et dans les mêmes contextes, que des termes argotiques. On y voit alors une tendance à restreindre le cercle du public par la fonction cryptique d’un lexique connu seulement par un nombre limité d’initiés (Guiraud).
II.1.1. Du slang devenu argot
critique social
Dans les textes choisis, on retrouve nettement le caractère dénonciateur qui est à la base du rap hardcore, du rap social puisque l’artiste vise à attaquer le commerce en général (« Pouvoir y mirer des sommes de money money - Pouvoir tirer des femmes de chez honey honey » l. 239-240 ; « Je me bats contre l’arnaque de la money » l. 272 ; « Gommés de cette réalité de la money » l. 276 ), la musique commerciale (« Made in Star-Ac-Pop star », l. 164 ; « star » l. 222) et le rap commercial en particulier (« Look un peu les clips, y’a d’la Bimbo en slip », l. 172 ; « Il leur faut des einss’, des grosses caisses de "Boss Boff" l. 178 ; « rap bizness sans cause» l. 179 ; « gangsta rap de char-clo », l. 185, 189 et « Cash’ j’tatche sans coach » l. 191)[5].
Cette intention est renforcée par une méthode très souvent utilisée dans le Hip Hop : l’attaque verbale contre un autre rappeur qui a généralement beaucoup de succès commercial et se veut lui-même authentique (« Leur textes ne vaut même pas une pièce de 50 cents - Mais dans les chats, on aime les chars de 50 Cent[6] », l. 180-181). De même, l’attaque verbale se sert des termes de violence au sens allégorique : « Et POF c’est le Clash, bouge, j’t’ai brisé en un flash » l. 193, « C’est le KO » l. 225. Cela est également un moyen populaire du rap qui nous rappelle les origines étymologique et idéologique du Hip Hop : « se défier par la parole […] » pour échapper à la violence concrète.
Cependant, il faut remarquer que cette violence concrète même, est explicitement dénoncée dans les textes analysés - également avec des termes anglais : « Trop killent, dealent, jouent aux cow-boys » l. 210 ou « pas killer » l. 218. De même, l’artiste y dénonce le crime et la drogue : « dealent », « cocaïne shit » l. 293 ; « shooté à l’héroïne » l. 294). Cela est rarement le cas chez les chanteurs du gangsta rap et chez eux ce n’est pas non plus évident que les menaces d’homicide aient un sens allégorique : il arrive régulièrement que ces menaces se concrétisent, surtout aux Etats-Unis. Particulièrement la chanson "C’est pas facile" vise cette attitude qui dépasse parfois les limites du défi verbal.
termes techniques
On peut remarquer que l’origine du signifiant des mots implique la même origine de son signifié, donc les Etats-Unis. Si cela n’est parfois peut-être qu’un cliché qui s’est imposé par la présence dominante des médias américains en général (p. ex. « money » étant utilisé plutôt pour ses qualités connotatives, ne signifie rien qui n’existait pas avant que ce mot fût introduit dans le discours de rap), c’est souvent véritablement le cas pour les termes techniques de la musique : « MC [master of ceremony] » l. 1 etc. ; « Lp » l. 22 ; « envenime tous ses Tracks[7] - De pur Hip-hop » l. 141-142 et « swinguer » l. 155. Il est vrai que le mot « MIC[8] » l. 139 pourrait être remplacé par le mot français micro. Mais tout comme le mot « Tracks » signifie plus spécifiquement des pièces de rap que le mot chansons ne le fait, c’est un cas semblable pour le mot « MIC » : sa connotation fait penser plus au microphone du groupe Run DMC qu’à celui de George Brassens.
Les derniers exemples des termes reliés au genre musical du rap sont : « j’tatche sans coach » l. 191 et « et tel un orateur, j’coatche [sic] » l. 219. Le nom commun "coach" et le verbe "to coach", signifiant à l’origine "entraîneur" et "entraîner", ont pris - en slang américain - les significations producteur /réalisateur/ manageur (et respectivement pour le verbe). Le fait que l’artiste répète en slang qu’il travaille indépendamment d’un représentant du commerce musical exprime sa conviction idéologique mais aussi sa demande de respect pour son œuvre complète. Ainsi, on retrouve une des fonctions premières du Hip Hop, du rap et du langage en général: la manifestation de l’individu dans son univers, la création de son identité et sa reconnaissance.
II.1.2. Des anglicismes dans la langue courante
Si la plupart des mots d’origine anglaise /américaine utilisés dans les textes de MC Diem se sont introduits directement par le phénomène du Hip Hop même dans le discours, il y en a aussi qui ont une signification dans la langue française en dehors du rap. Les mots « stress » l. 28, « Ok » l. 226, 227 mais aussi les deux mots déjà mentionnés « slip » l. 172 et « KO » l. 225 sont connus également des Français non-initiés au slang américain. Néanmoins, il n’est pas étonnant de les retrouver ici, vu que l’utilisation des mots anglais fait en général allusion à une volonté progressiste et /ou anarchique. De plus, même vulgarisés, ils font toujours partie du slang américain et de l’argot français. Le mot « slip » est d’ailleurs sûrement aussi choisi pour sa fonction poétique[9] puisque il rime avec « clip », y reconnaissant un jeune frangin de chez soi.
Par ailleurs, on peut constater que non seulement les anglicismes anciens mais aussi les anglicismes modernes sont sans exception utilisés selon les conventions de la morphosyntaxe française : « killent, dealent » et « shooté » sont conjugés comme d’autres verbes français ; de même le suffixe –s du pluriel de « tracks », « clips » ou slips n’est pas prononcé comme il le serait en anglais[10]. Selon Yaguello, 1991, il s’agit ici d’« un signe de bonne santé » de la langue française puisque les mots empruntés ont été tout à fait intégrés dans le système grammatical du français.
II.1.3. Du vrai anglais
Enfin, la dernière occurrence d’un mot anglais est la suivante : « Tous les jours, jeden Tag, everyday[11] » l. 271. À la même ligne, l’artiste parle de la même chose en trois langues différentes. Ainsi, encore une autre de ses intentions devient évidente. Si d’un côté, l’emploi de langues étrangères exclut certains individus de comprendre le fond du texte, il le rend plus accessible de l’autre côté. Tandis que le slang américain, utilisé avec une fonction cryptique, s’adresse à un public assez limité, l’anglais en général parle à un grand nombre de jeunes. La lingua franca de notre époque peut être vue comme langue véhiculaire d’une génération grandissant avec la mondialisation. Pour ne pas se détourner de ce phénomène parfois perçu comme très négatif mais pour, au contraire, y apporter une influence aussi positive que possible, le rap cool en général, et MC Diem en particulier, se présentent d’une manière multilingue : « J’représente un message précis pour la paix - Ma donne : célébrer le métissage dans sa beauté » l. 40-41.
II.2. Quelques pistes
Ce travail est loin d’être exhaustif, au contraire, il s’agit plutôt d’un premier pas servant d’initiation plutôt que d’un véritable éclairage. Pour pouvoir analyser plus profondément la valeur représentative des textes de rap (en particulier de ceux présentés dans ce travail) concernant la situation diastratique de tout un langage, je propose d’élargir l’étude à d’autres niveaux:
- l’analyse contrastive de l’utilisation de mots d’origine étrangère, notamment d’origine allemande (p. ex. «MC Diem ist da, pour une nouvelle ère, kommt an » l. 42 ou « contre le Diktat de leurs lois » l. 60) ; ceux-ci utilisés plutôt dans des contextes voisins avec un vocabulaire français soutenu ( p. ex. « unanime » l. 54, « apogée » l. 231 ou le cas particulier du mot latin « rapido » l. 53 à l’ablatif)
- la lexique de l’argot 'classique' et /ou vulgarisé (p. ex. « fric » l. 248)
- les procédés de création d’argot (d’après le classement proposé par Guiraud ou celui de Dramé : l’épellation, pas présente dans les textes analysés ; la siglaison, p. ex. « KO [→ knock out]» l. 225 ; l’abréviation, p. ex. « gars » l. 55 ; la troncation, p. ex. « ‘sic » l. 163, 191 ; la suffixation, p. ex. « hip-hopeste » l. 136 etc. ; la verlanisation, p. ex. « kolal » l. 297 ; les onomatopées p. ex. « POF » l. 193)
- la morphosyntaxe et la syntaxe qui se rapprochent du langage parlé (manque du pronom impersonnel il dans l’expression il faut ; manque systématique de l’élément discordentiel ne de la négation ; l’élision non-standard des voyelles des pronoms clitiques devant une consonne, p. ex. « J’sais pas si j’t l’ai conté » l. 183 ; des anacoluthes, p. ex. « j’suis pas ceux qui poussent au crime » l. 256)
- la dénomination du rappeur dans ses paroles (1ère ou 3ième personne ; noms propres, p. ex. « Mehdi » l. 6, 47, 139 etc., « MC Diem » l. 1, 4, 6, 8 etc. ; périphrases métaphoriques « manitou de la rime » l. 139)
- les références littéraires, historiques, culturelles ou religieuses (p. ex. « A Montesquieu et Rousseau » l. 65, « jusqu’au bout de la nuit » l. 146, « Tant de guerres mondiales » l. 72, « sang de Gandhi » l. 148, « kacher » l. 191 ou « Dieu » l. 66)
- le mélange et le contraste des registres dans les chansons diverses, correspondant au support musical respectif
- la transcription et l’analyse phonétique /phonologique du corpus oral
-etc.
Conclusion
Comme toute autre forme de langage le rap cherche à résoudre le conflit entre l’ouverture au monde et la définition de soi-même par sa manière de s’exprimer. Cependant, il s’agit d’un langage très travaillé même s’il utilise un vocabulaire populaire et se veut compris par le peuple.
Les termes d’origine anglaise utilisés dans le corpus analysé servent aux deux fonctions suivantes : D’un côté, le slang américain, intégré dans l’argot, permet aux locuteurs de se reconnaître entre eux. De l’autre côté, ce slang est parfois assez vulgarisé pour être compris par un public plus large. Un bon mélange de vocabulaire connu et de vocabulaire avec une fonction ‘demi-cryptique’ invite l’auditeur à faire l’effort du décryptage.
En outre, la délivrance d’un message en plusieurs langues, surtout en anglais qui sert à notre époque de lingua franca, permet sa compréhension par beaucoup plus de gens puisque d’autres communautés linguistiques et culturelles deviennent également destinataires. Étant donné que le phénomène de la mondialisation est en pleine expansion, il est important de communiquer le message d’ouverture d’une manière ouverte. Car si l’on est des cultures différentes avec des langues différentes, on n’est qu’une seule race avec qu’une seule cause. C’est avec des mots qu’il agit, l’artiste - quand « j'lève mon glaive pour la Cause Humaniste ».
[1] Cette partie théorique du dossier est surtout basée sur un mémoire de Mamadou Dramé.
[2] Sinon, on y retrouve aussi des chansons anglaises, allemandes et multilingues.
[3] L’anagramme ‘phonétique’ de son prénom [medi]
[4] Le filme 8 Mile montre un cas semblable d’un tel racisme ‘renversé’ aux Etats-Unis.
[5] L’orthographe de « bizness », « gangsta » se rapproche à la phonétique du slang américain.
[6] Nom d’un rappeur américain du mouvement du gangsta rap.
[7] dictionnary.reference.com : ¤14 c. an individual song or segment of a recording : a title track
[8] dictionnary.reference.com : [mahyk] -noun, informal: a microphone
[9] « La fonction poétique projette le principe d’équivalence de l’axe de sélection sur l’axe de combinaison. » Roman Jakobson
[10] Voir le chapitre sur la transcription phonétique et la phonologie.
[11] L’orthographe d’« everyday » est probablement incorrecte car cela serait l’adjectif qui se traduit par journalier, quotidien. Je suppose que l’artiste parle d’ "every day".
Bibliographie:
Auzanneau, Michèle & Alii (1999). Paroles et musiques du rap, Deuxièmes rencontres de Rapologie. Libreville : ENS.
Billez, Jacqueline (1999). « Poésie musicale urbaine, langues et identité enlacées » dans : M. Marquilo (ed.). Ecritures et textes d'aujourd'hui; cahier du français contemporain n°4. Paris : ENS.
Blanche-Benveniste, Claire (1997). Approches de la langue parlée en français. Paris : Ophrys.
Bocquet, José-Louis & Pierre Adolphe Philippe (1997). Les petits libres n°14 Rapologie. Paris : Minuit.
Boucher Manuel (1998). Rap expression des lascars; Significations et enjeux du rap dans la société française. Paris : L'Harmattan.
Brunet, François (2000). Dictionnaire bilingue de l'argot d'aujourd'hui. Paris : Pocket.
Cadiot, Pierre (1991). « Les mélanges de langues » dans : France, pays multilingue tome II : Pratique des langues en France. Paris : L'Harmattan.
Caradec, François (2005). Dictionnaire du français argotique & populaire. Paris : Larousse.
Colin, Jean Paul (1999). Dictionnaire de l'argot français et de ses origines. Paris : Larousse.
Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1998). Thématique et stylistique du rap: classe de troisième. Mémoire de spécialité. Dakar : E.N.S.
Dramé, Mamadou (2000). Analyse sociolinguistique de l’argot contenu dans les textes de rap : l’exemple de Daara J. Mémoire de D.E.A., Lettres modernes. Dakar : Université de Cheikh Anta Diop.
Gadet, Françoise (1992). Le français populaire. Paris : « Que-sais-je », PUF.
Guiraud, Pierre (1980). L'Argot. Paris : « Que-sais-je », PUF .
Lapassade, Georges & Rousselot Philippe (1996). Le rap ou la fureur de dire. Paris : Loris Talmart.
Melliani, Fabienne (1998). « Le métissage langagier comme lieu d'affirmation identitaire : le cas des jeunes issus de l'émigration maghrébine en banlieue rouennaise » dans : Les parlers urbains. UPRESA, 60 65, Université de Rouen.
Merle Pierre (1996). Le Dico de l'argot fin de siècle. Coll. Les dicos de Virgule. Paris : Seuil.
Picoche, Jacqueline et Jean-Claude Rolland (2002). Dictionnaire du français usuel. Bruxelles : De Boeck : Duculot.
Robert, Paul (2006). Le nouveau Petit Robert. Paris : Le Robert.
Voirol, Michel (1993). Barbarismes et compagnie. Paris : CFPJ.
Yaguello, Marina (1991). En écoutant parler la Langue. Paris : Seuil.
Yaguello, Marina (2003). Parler de la langue. Paris : Seuil.
Hanson, Curtis (2003). 8 Mile. Los Angeles : Universal. [filme]
http://dictionary.reference.com/ [03-05-2007]
http://www.languefrancaise.net/glossaire/ [03-05-2007]
http://www.lexilogos.com/francais_langue_dictionnaires.htm [03-05-2007]
http://memoireonline.free.fr/03/07/379/etude-linguistique-sociolinguistique-textes-rap-senegal.html [03-05-2007]
Te Puke (poem)
Te Puke (name of a place during a long journey)
Stuck on the side of a road,
With a head too heavy, chin on the chest,
Burnt out, beaten down by a heavy load,
Upset, depressed, longing for rest.
No will to move on, to look outside of me.
I've had enough, too much, I’m cracked.
But there, holding on, next to me is … she.
Looking half as tough, but as well packed.
With the same heavy load, that we share in fact.
On the side of the road, waiting for me to act.
Absorbing the filth streaming out of my head,
Taking care, making cry, giving love instead.
This little sun, radiating, bright.
Thaws out, warms up, fills me with light.
Stuck on the side of a road,
With a head too heavy, chin on the chest,
Burnt out, beaten down by a heavy load,
Upset, depressed, longing for rest.
No will to move on, to look outside of me.
I've had enough, too much, I’m cracked.
But there, holding on, next to me is … she.
Looking half as tough, but as well packed.
With the same heavy load, that we share in fact.
On the side of the road, waiting for me to act.
Absorbing the filth streaming out of my head,
Taking care, making cry, giving love instead.
This little sun, radiating, bright.
Thaws out, warms up, fills me with light.
A Paper Bin (poem)
A Paper Bin
Once a thing is thrown in,
Poem, letter, every note,
It's lying there in our bin,
No matter what on it we wrote.
Ignored, forgotten and dismissed,
Treasury of nobles dreams,
Esteemed by the idealist,
Denied by others with all means.
Digging deep in our bin.
What's left in there of our youth?
Getting caught just looking in,
Just looking for a bit of truth.
Embarrassed turning 'way from it.
Reality is on the run.
Pursue ideals we omit.
The bin got them, left all undone.
Once a thing is thrown in,
Poem, letter, every note,
It's lying there in our bin,
No matter what on it we wrote.
Ignored, forgotten and dismissed,
Treasury of nobles dreams,
Esteemed by the idealist,
Denied by others with all means.
Digging deep in our bin.
What's left in there of our youth?
Getting caught just looking in,
Just looking for a bit of truth.
Embarrassed turning 'way from it.
Reality is on the run.
Pursue ideals we omit.
The bin got them, left all undone.
What is poetry? (poem)
What is poetry?
Poetry is a chance to speak up.
A show for free, it's a dance and beat club.
Poetry is romance and sleek rap.
Also: It's me, for my fans to leap up.
Poetry is man's thing to keep up.
Women's as well,
'cuz we'd go to hell
if each writing hand
would have to name herself George Sand
to be recognized at all.
Poetry is a fall.
The fall of a curtain,
a revelation of truth.
Cobain Kurt for certain,
his lyrics not smooth.
A shot in the head,
in ours and others.
But not to be dead -
to awake and help brothers.
And mothers and sisters and fathers and aunts,
and uncles and grannies, ourselves and our friends..
Poetry can be life savior,
to read or to write it.
It might even pave your
way of life and enlighten it.
After all it is fun,
does not have to make sense.
Oh Lord won't you buy me
a Mercedes Benz.
Poetry is a chance to speak up.
A show for free, it's a dance and beat club.
Poetry is romance and sleek rap.
Also: It's me, for my fans to leap up.
Poetry is man's thing to keep up.
Women's as well,
'cuz we'd go to hell
if each writing hand
would have to name herself George Sand
to be recognized at all.
Poetry is a fall.
The fall of a curtain,
a revelation of truth.
Cobain Kurt for certain,
his lyrics not smooth.
A shot in the head,
in ours and others.
But not to be dead -
to awake and help brothers.
And mothers and sisters and fathers and aunts,
and uncles and grannies, ourselves and our friends..
Poetry can be life savior,
to read or to write it.
It might even pave your
way of life and enlighten it.
After all it is fun,
does not have to make sense.
Oh Lord won't you buy me
a Mercedes Benz.
To be or not to be (poem)
To be or not to be
We are free.
You and me.
I love me.
Thou lovest thee.
You don't agree?
Then leave me be.
I love thee.
Thou lovest me.
But leave me free.
I'm not all thee.
I want to be
Like I love me.
I hope you see
We need to be,
Both, you and me,
Free, really.
What could you see
In me but me?
Must I agree
To be like thee?
Maybe honey
We are free.
You and me.
I love me.
Thou lovest thee.
You don't agree?
Then leave me be.
I love thee.
Thou lovest me.
But leave me free.
I'm not all thee.
I want to be
Like I love me.
I hope you see
We need to be,
Both, you and me,
Free, really.
What could you see
In me but me?
Must I agree
To be like thee?
Maybe honey
Eventually
I'll try to be
Like you want me.
Who would I be?
You would love who?
Would you love me?
Or you, times two?
I'll try to be
Like you want me.
Who would I be?
You would love who?
Would you love me?
Or you, times two?
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