CherEs amiEs, cherEs
concitoyenEs,
Connaissez-vous le concept de
la « désobéissance civile » ?
Elle a sans doute été
évoquée pas mal pendant le mouvement des gilets jaunes,
pendant une période où je n’étais pas en France, donc je ne sais
pas à quel point vous êtes familiers avec cette idée.
Alors, pour reprendre aux
bases, j’ai envie de vous raconter d’où cela vient, en tout cas
selon ce que j’ai appris moi, personnellement.
Le terme en lui-même a été
forgé par Henry David Thoreau, un écrivain et philosophe Américain.
Il a rédigé tout un essai là-dessus, en 1849, à peu près au même
moment que Marx a rédigé son Manifeste communiste
(1848). Pendant mes études, j’ai saisi l’occasion de comparer
les deux discours, et cela m’a convaincu profondément que la voie
libérale et pacifiste de l’Américain est bien plus efficace (à
long terme) pour changer le monde que celle proposée par l’allemand
– organisée, massive et violente (la révolution du prolétariat).
Selon moi, la désobéissance est la seule valable. C’est la voie
des Colibris ! Chacun fait sa part.
Thoreau, en 1848, a refusé de
payer ses impôts à l’état Américain puisque ce dernier les
aurait utilisés pour financer sa guerre contre le Mexique. En plus,
Thoreau était généralement contre la politique du gouvernement,
qui, à ce moment là, était toujours en train de profiter du
système d’esclavage. Thoreau a accepté d’être emprisonné pour
cet acte de désobéissance.
On pourrait dire que l’action
n’a servi à rien puisque les États-Unis ont fini par gagner cette
guerre et le Texas, qu’ils ont annexé du Mexique à cette occasion
fait aujourd’hui toujours partie de leur territoire. Si, de l’autre
côté, l’esclavage a été abandonné officiellement 18 ans plus
tard, on peut légitimement douter de l’impact de l’action de
Thoreau.
Mais il y a d’autres
impactes que l’on attribue à Thoreau et son concept de la
désobéissance civile : Le Civil Rights movement
de Martin Luther King et le mouvement de beatniks /Hippies
contre la Guerre au Vietnam. Enfin aussi le mouvement de la
résistance passive (et
pacifique) de Ghandi et l’indépendance de l’Inde de l’Empire
Britannique qui en a résulté. Ghandi a, par exemple, incité les
Indiens à brûler leurs passeports britanniques et à ne pas suivre
les ordres de l’autorité colonisatrice. Le résultat est quand
même merveilleux, non !?
On pourrait douter que Ghandi
avait besoin de Thoreau pour être inspiré car ce dernier et les
autres philosophes Américains de son époque (les
transcendantalistes, comme on les appelait) ont de leur côté
plutôt été influencés par des courants spirituels venant de
l’Inde comme le Bouddhisme, l’Hindouisme mais aussi le Taoïsme.
Cependant, Ghandi fait explicitement louange à Thoreau et son essai
sur la Désobéissance civile, qu’il a même traduit pour un
journal indien.
Pourquoi cela m’occupe
l’esprit actuellement et pourquoi ai-je envie de le partager avec
vous ?
Parce que je suis actuellement
désobéissant aux ordres de l’état français et je me demande,
comment je réagirais si un policier m’arrêtait sur mon chemin à
la boulangerie et me mettait une amende pour avoir permis à mes
enfants de m’accompagner à vélo. Ou s’il m’attrapait à 2,5km
de mon domicile en train de faire un footing en pleine nature. Ou
s’il n’acceptait pas que je raye la date de la veille sur mon
attestation de sortie pour la remplacer par celle du jour même ?
Est-ce que je serais prêt à
refuser de payer cette punition injustifiée et insensée à mes
yeux ? Est-ce que je serais prêt à supporter d’éventuelles
conséquences jusqu’au bout, impliquant éventuellement de devoir
payer des frais supplémentaires, qui impacteraient ainsi lourdement
sur le budget familial ? Est-ce que je serais prêt à aller en
prison et ainsi renoncer à ma liberté personnelle et surtout à
négliger mon devoir de père de famille ?
Et si je le faisais, est-ce
que cela pourrait avoir une conséquence sociétale et politique ?
Est-ce que cela pourrait inspirer d’autres personnes à désobéir
à leur tour ? Pour signaler aux autorités que nous ne sommes
pas d’accords avec leurs ordres et que nous sommes capables d’agir
d’une façon raisonnable et responsable par notre propre
conscience ?
Car il ne s’agit pas
négliger toutes les mesures et « gestes barrières » mis
en place pour gérer la situation sanitaire nationale déplorable. Il
s’agit de réclamer le droit d’être traité comme une personne
adulte et mature, capable de se comporter de façon civique et
citoyenne sans que l’on nous impose des mesures généralisées qui
font éventuellement sens dans quelques cas mais certainement pas
partout, à tout moment et pour tout le monde.
Une règle doit avoir un sens.
L’objectif de toute règle est de gérer le vivre ensemble des
êtres humains, en limitant la liberté de certains pour assurer
celle des autres.
Ne pas devoir passer une rue
quand il y a un feu rouge, par exemple, assure aux autres de pouvoir
passer à leur tour, sans risquer un accident. Mais est-ce qu’il
est sensé de suivre cette règle toujours, inconditionnellement ?
Quand, par exemple, à 4h du matin, vous rentrez chez vous d’une
fête. A pied. Vous êtes seulE dans la rue. Il pleut des cordes.
Vous arrivez à un feu rouge. Un feu rouge de piéton, évidemment.
Pas de voiture. Vous êtes déjà mouilléE jusqu’aux os.
Attendriez-vous que le feu passe au vert ? Si oui - bravo !
Vous feriez preuve d’un grand esprit de citoyenneté. (Vous
pourriez même demander la nationalité allemande. Ou suisse ;-)
)
Si non - bravo ! Vous
avez un esprit critique et du courage d’agir d’une façon
émancipée. A désobéir. Parce qu’il y a des situations où une
règle ne remplit pas sa fonction. Si vous êtes seulE, cette règle
ne peut régler le vivre ensemble. Elle n’a pas de sens dans cette
situation particulière.
Et même : Elle peut
avoir un effet négatif. Imaginez-vous que, en attendant devant ce
satané feu rouge (qui semble être défectueux puisque cela fait
déjà 20 minutes qu’il reste bloqué sur le rouge), soudainement,
vous entendez des coups de feu autour du coin. Des cris. Des
agressions. Des pas précipités en votre direction. Et puis le
Terminator qui fait apparition… La règle du feu rouge vous
empêchera de faire tranquillement la grasse mat’ ce jour là.
Vous trouvez peut-être que je
m’emporte. Mais moi, je trouve que certaines règles du confinement
valent la comparaison. Restez chez vous – vous sauvez des vies !
Je trouve cela scandaleux de vouloir faire croire aux gens une telle
sottise. Respectez des gestes barrières, éviter le contact risqué,
confiner des malades, soigner des malades etc. - oui, cela peut
sauver des vies. Mais comment peut-on inculquer aux gens d’être
fiers de sauver des vies en regardant netflix et youtube chez
soi ? Comment je sauverais des vies en évitant un footing tout seul
en forêt, 2,5km de chez moi ? En évitant d’aller à la
plage ? A la rivière ? A la boulangerie avec mes enfants ?
(qui m’attendent toujours dehors en gardant une distance suffisante
vis à vis des autres.)
Et même : Il peut y
avoir un effet négatif. Si je croyais en cette devise généralisée
que je puisse sauver des vies en restant chez moi, j’éviterais de
sortir à l’air libre, j’éviterais l’activité physique
habituelle, j’affaiblirais ainsi mon système immunitaire. Je
nuirais aussi à mon bien-être psychologique. Je me couperais de
liens sociaux. Je déprimerais. Je mettrais ma santé en danger, et
celle de mon entourage.
Vous savez que la Suède (et
plein d’autres pays) ne confine pas ? Même
les écoles sont restées ouvertes. Et
pourtant, il
y a la moitié du
nombre de cas et de morts qu’en France (en
pourcentage !).
https://www.worldometers.info/coronavirus/
J’accorde qu’une
comparaison n’est pas toujours utile mais comment cela peut
fonctionner en Suède ? Parce que même sans confinement imposé
par une autorité, ces êtres humains vivant sur le territoire
suédois (semblables néanmoins à ceux que l’on rencontre sur le
territoire français) ont une forte volonté de survivre à cette
période incertaine. Ils ont également une forte volonté de
protéger leur entourage « à risque » d’un danger de
mort évitable. Et quand on leur laisse la liberté d’appliquer au
bon moment les bonnes règles de vivre ensemble (que l’on leur a
communiquées au bon moment d’une façon bienveillante et confiante
auparavant) … sans blague - ils le font.
Malheureusement, certainEs
(françaisES !) pensent que les françaisES n’en seraient pas
capables. Qu’ils ne seraient pas volontairEs pour le faire.
Visiblement, les autorités sont de cet avis, par exemple mais pas
que.
Je ne suis pas d’accord. La
majorité d’entre nous est dotéE d’un esprit raisonnable et
responsable. Et cette partie-ci est aussi assez responsable, assez
bienveillante et assez capable de raisonner et d’éduquer ceux qui
ne le sont pas encore. Ce serait une belle occasion d’apprendre le
vivre ensemble d’une façon émancipée et respectueuse.
Je ne réclame pas le retour
au stade « normal » actuellement. Je ne réclame pas la
liberté de pouvoir aller au Tour de France, au Festival de Cannes ou
au Hellfest en ce moment. Je voudrais juste que l’on nous accorde
un peu d’égard, un peu de considération et un tout petit peu de
droit d’intervention.
Traiter le peuple plus comme
de véritables adultes, capables de faire des choix responsables,
aiderait aussi à faire baisser la frustration et la tension chez les
personnes le plus touchées par ce confinement. (Attention au
potentiel dans les cités !)
Avant de finir, j’aimerais
revenir sur la Désobéissance civile de Thoreau et un détail
important : Parfois, on utilise aussi le titre On the Duty of
Civil Disobedience donc Sur le devoir de désobéissance
civile. Pourquoi alors, ce serait non seulement une possibilité
mais éventuellement un devoir de désobéir au gouvernement ?
Étant donné que nous sommes
des personnes dotées d’un esprit raisonnable et mature, capables
de distinguer entre ce qui est bien et ce qui est mal ; capables
de distinguer entre une règle utile et une règle nuisible pour
nous-mêmes et l’ensemble de la population, dans ce cas,
aurions-nous le droit de continuer à nous plier à des règles
nuisibles ? Juste par peur d’être réprimander? Ou
aurions-nous le devoir de nous révolter contre ce que nous
reconnaissons comme mauvais ?
De ne pas se rendre en forêt
en ce moment ou de remplir une attestation de sortie pour éviter de
payer 135€ est relativement facile à accepter. Il faudrait
cependant avouer que nous suivons cette règle non pas par une
conviction de pouvoir ainsi sauver des vies mais uniquement par
pression extérieure. Qu’aurions-nous fait alors à une époque
(pas si) lointaine (que ça) où il existait des règles semblables à
celle-ci : « Recensement de population ! Signalez aux
autorités si vous hébergez des juifs chez vous. Signalez également
des voisins qui le font ! Sous peine d’amende de 135€ en cas
de négligence. »
Sans connaître l’idée
derrière cette règle, sans être convaincuEs de l’utilité de
cette règle pour notre propre bien-être, celui des juifs ou celui
de l’ensemble de la population … mais avec la menace d’une
punition du pouvoir, nous serions-nous plier à suivre cette règle ?
C’est pour cela que Thoreau
nous parle du devoir morale de désobéir au gouvernement quand nous
nous rendons conscients que celui-là dévie du bon chemin, peu
importe si c’est par inadvertance, ignorance ou (mauvaise)
intention.
Ceci est notre pays (ou le
vôtre) et non pas celui du gouvernement. La fonction du gouvernement
est de gérer (au mieux) le vivre ensemble et les ressources du pays
(nos ressources !). Quand nous estimons que ceci n’est pas le cas,
nous devrions alors désobéir et exercer notre droit (et notre
devoir !?) d’intervention.
Ceci n'est pas sensé être une incitation à la désobéissance civile mais une incitation à la réflexion personnelle et de prise de conscience.
Merci pour votre attention !