Donnerstag, 20. Dezember 2007

email a Baudelaire

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L’ALBATROS (Charles Baudelaire)

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poëte est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.



à : charles@azur.fr
de : theofil@liebe.de
sujet : Merci pour tes poèmes !

Salut mon cher Charles,

Tu vas bien? Je l'espère. Tout d'abord mille mercis pour tes poèmes. Cela fait longtemps que je ne t'en ai pas parlé (J'ai vraiment beaucoup de choses à faire cette année... - c'est dur le français!), mais sincèrement: j'y pense souvent et ils me font beaucoup plaisir! Même si on a une vue différente des choses, on se comprend en fin de compte. Et en fait: C'est la différence qui rend notre relation enrichissante.
Bref, tes poèmes: extraordinaires! Un nouveau monde que je découvre. J'adore me plonger dans leur atmosphère - si je sais que j'en ressurgis après - avec de nouvelles connaissances!
Mais, il y en a un (parmi ceux que j'ai déjà lus) que j'aime moins: "L'Albatros". Pas au niveau esthétique! J'aime bien son rythme d'abord ralenti et traînant, puis enragé et haché et enfin posé de nouveau mais déçu / désespéré / triste. Le vocabulaire me semble noble et grave (Mon mot préféré est "naguère", le plus moche sûrement "brûle-gueule"!), la structure harmonieuse malgré ou plutôt grâce aux ruptures expressives.
C'est son message qui me dérange et comme je sais qu'il s'agit d'un message qui te tient au cœur, il faut que je te dise ce que j'en pense. C'est difficile et en fait, ça touche la vision de la vie la plus profonde. Il est vrai que j'aimerais bien te convaincre mais je n'ai pas l'intention de ne rien forcer: Je t'aime comme tu es.
Tout d’abord : c'est compréhensible ce que tu dis et je peux le sentir, ton malaise, ton mépris, ton orgueil, spécialement quand je pense à ta situation familiale. Excuse-moi, si je fais de la psychologie à deux centimes, mais je ne prétends pas que ce soit juste à tout prix ce que je dis. En même temps je pense vraiment que c'est l'amour maternel que j'ai reçu abondamment qui me permet de voir les choses plus 'optimistes' que toi (base de vie, confiance, rassurance, sentiment d'être aimé sans condition etc.). Mais en fait, au moins sur un niveau rationnel, tu me comprends et peut-être, à un moment donné ou tu trouves que toi aussi, tu es un être qui mérite d'être aimé sans conditions, juste pour ce que tu es, tu peux peut-être l'intérioriser au niveau émotionnel également... .
Alors, comment commencer? Peut-être quand même avec cette strophe que j'ai écris tôt ce matin comme une sorte de réponse à ton poème:

Le prince divin, pour embrasser son archer,
Descend de l'azur, gagne ainsi en profondeur.
Il supplie son frère de lui apprendre à marcher
D'une façon ou d'une autre, l'homme est Créateur.

Excuse d'éventuelles mal expressions, s'il te plaît (je ne suis qu'un jeune aigle, qui essaye d’imiter l’Albatros et qui arrive seulement à faire un coq mal coiffé ... ), mais le principe devrait être 'transporté'.
En fait: Tu le dis toi même dans ta préface:
"- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère."
Attention, syllogisme : "Hypocrite lecteur, mon semblable"; lecteur = toi ; "Le poëte est semblable au prince des nuées"; toi = "prince des nuées" donc: Le lecteur est semblable au "prince des nuées". D'une manière ou d'une autre… Vue de l'autre côté, le poète s'est retrouve au même niveau que le lecteur.
Tu y consens sûrement. Et ce n'était probablement jamais la question. Mais si maintenant chaque homme du monde est un lecteur potentiel, cela ferait par conséquence de "l'archer" et de tous "les hommes d'équipage" tes frères. Et tout d'un coup, je pourrais te dire: Tu te trompes: Ils ne rient pas sur toi, ils rient avec toi! (banal, oui, mais il y a quelque chose de vrai…) C'est toi seul qui se trouve "gauche et veule". Les autres ont des problèmes à marcher eux même: celui dont tu croyais qu'il te mimait - il boitait pour de vrai! Et celui avec le "brûle-gueule" – il voulait partager son haschisch avec toi.
C'est vrai qu'ils veulent s'amuser. "C'est l'ennui! […] ce monstre délicat" qui les tue. Donc, ils t'appellent, te demande de les reconnaître comme des frères pendant leur long voyage seul. Ils te demandent de descendre chez eux pour vivre ensemble à travers les "gouffres amers". En allemand, il y a le proverbe "Wir sitzen alle in einem Boot." – "Nous sommes tous dans la même barque."
Sauf toi. Tu suis indolemment. Tu te ris d'eux. Tu te fuis dans l'azur, tu vols. Tu vis dans les paradis artificiels ou dans l'azur. Et pourquoi? Parce que tu sais très bien voler et tu ne sais pas bien "marcher". Et tu es trop orgueilleux pour vouloir te sentir "comique et laid". Cela te fait honte qu'un simple homme d'équipage se prend le droit de rire de toi. Parce qu'au fond de toi-même tu te sens supérieur par rapport à lui.
Et maintenant on peut dire que tu as raison: Il est vrai que les hommes ne sont pas bienveillants avec toi, qu'ils sont méchants avec toi, qu'ils t'en veulent. Mais ils ont une raison (même s'ils n'ont pas raison): ils sentent ton orgueil, ils sentent que ta modestie n'est qu'une farce que tu abandonne dès que tu te fuis dans l'azur ou tu es supérieur. C'est une modestie forcée parce que tu ne sais pas marcher. Si tu le savais mieux que tous les autres tu pouvais te rire d'eux comme de l'azur. (En même temps …: Cela te permettrais peut-être de devenir authentiquement modeste…)
Ne me comprends pas mal! Arrête-moi si je me trompe… . Mais sérieusement: Je crois pouvoir te dire tout cela parce que je sens au fond de moi-même que je te suis "semblable" . Et je suis aussi conscient que je peux me tromper. Que tout cela n'est plus ou moins pas plus qu'une pure spéculation basée sur relativement peu de chose. Mais je continue quand même, d'abord pour mon plaisir et peut-être qu'il se trouve quand même un petit bout de vérité dans ce que j'explique.
Peut-être que tu avais senti comme je te l'ai reproché autrefois et maintenant tu es d'un autre avis. Peut-être que tu ne t'es jamais senti supérieur et tu ne t'es jamais fuit des hommes ordinaires, tu ne les as jamais méprisés, même pas les plus viles. Dans ce que cas-là, je t'ai mal compris et en plus j'ai confessé pour moi-même qu'il me manque 'souvent' le courage de me 'rabaisser' (au sens de Bakhtine commentant l'œuvre de Rabelais) assez pour pouvoir ressentir de la joie en parlant avec un simple homme d'équipage (notamment par cette peur que tu connais aussi…).
Néanmoins: "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher" ne peut en aucun cas être vrai. Car premièrement, il y en a d'autres qui ne savent pas marcher et qui n'ont pas d'ailes (les hôpitaux psychiatriques en sont pleins) ou des ailes toutes petites (comme par exemple Herr Spinell de Frau Klöterjahn (que tu ne connais peut-être pas mais l’autre face de la double destination)). Et deuxièmement il y en a avec "des ailes de géant" qui savent très bien marcher. Comme je ne suis pas un grand connaisseur de littérature, je ne pourrais te nommer que quelques uns (Rabelais, La Fontaine, Diderot…) mais nous avons un exemple juste devant nos yeux: Notre copain Victor. Tu es d'accord, non?!

Salut Charles!
Je reprends mon email après deux jours de repos (bien remplis de travail). Et je suis très content que je ne pouvais pas finir l'autre jour et que je n'ai pas encore envoyé l'email. Parce que pendant ces deux jours j'ai compris ce que je n'ai pas compris pendant quatre ans auparavant. Ton poème est beau et parfait. Et quant au 'message': Il n'y en a pas. Un poème avec un message n'est pas un poème. Et quant au contenu: Tout est là. Merci beaucoup! Je n'avais pas tout vu. Je me suis arrêté où j'ai cru que tu t'étais arrêté. Seulement en t'écrivant, L'Albatros m'a fait voir mon orgueil et mon hypocrisie à moi (Ne reproche-t-on pas toujours aux autres ce que l'on se cache le plus en soi-même? (Danke, Sigmund !)).
Oui, le poète est orgueilleux. Mais il en a le droit! Non pas parce que c'est justifié mais parce qu'il n'a pas à se justifier. Puisqu'il est un homme (et c'est toi qui le dit). Et l'homme n'est pas parfait (au moins pas selon la notion courante). Il a le droit d'avoir des 'fautes', comme tous les autres "hommes d'équipage". Et si le poète est divin, il est homme aussi. L'homme en soi est divin en fin de compte.
Le paradoxe dans ton œuvre n'en est pas un. Tu en étais conscient? Si tu ne l'étais pas au moment de l'écriture, tu l'es sûrement devenu après.
En plus: Le poète est orgueilleux obligatoirement, au moins celui qui écrit. Pourquoi sinon, croirait-il pouvoir améliorer le blanc parfait avec des mots? Écrire, c'est agir? Peut-être.
Par contre: il y en avait qui ne le faisaient pas. Socrate par exemple. Ou, bien entendu: notre cher Jésus, frère d'Hitler et véritable poète de l'action et de la vie. On l’a mal compris (ou mal traduit peut-être ; ce qui expliquerait pourquoi l'idolâtrie que l'on appelle Christianisme (et qui sert aux loups comme instrument idéal pour s’élever de braves moutons) est surtout populaire chez ceux qui ne comprennent pas l'hébreu...) et il se tournerait dans sa tombe, pourrait-il voir comment l’écriture a pu corrompre sa cause humaniste.
Oui, il se comprenait comme fils de Dieu. Mais pas d'une manière différente que le reste de nous! Il ne les appelait pas frères simplement pour les flatter! Je ne crois pas qu'il nous voyait tous égaux juste sur un certain niveau mais sinon il se sentait divin, lui tout seul, et supérieur (et si oui, c'est lui qui s'est trompé…). Chaque homme est un fils de Dieu, chaque femme est une fille divine.
Nous sommes Dieu. (Comme le reste de l'univers.)
Mais je me laisse aller. Revenons à L'Albatros: ta dernière ligne non plus n'est pas non plus si fausse que je l'ai pensé. Peut-être que elle ne vaut pas pour Victor ou d'autre (ou bien elle ne vaut pour eux que rarement) mais cela peut bien être le cas pour toi et pour d'autre. En tous cas, elles peuvent être dérangeantes si l'on n'a pas appris de les manier sur le sol. D'un autre côté: Peuvent-elles peut-être même aider à marcher d'une manière différente et (donc) belle? On ne va pas le savoir si l'on n'apprend pas à marcher… - en marchant!
Bon, mon cher Charles, je te laisse pour l'instant. Faut que j'aille 'cultiver mon jardin'… .
Sinon, je t'invite 'avec insistance' de venir nous rendre visite. Nous pourrions essayer d'aller surfer " sur les gouffres amers" et éventuellement boire un petit coup le soir dans les rues de Bayonne (pas d'abus! ). Anki aussi serait très contente de te revoir! (Elle est d'ailleurs Sagittaire, cette archer qui m'apprend d'aimer. Et, 'selon les astrologues', cela va très bien ensemble avec Lion…)

J'ai beaucoup hâte de ta réponse! Remontre-moi mon orgueil mais surtout fais-moi simplement le plaisir de me faire comprendre que tu vas bien.
J'espère qu'à très bientôt, ton ami Mika.

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